Collection Zone Rouge. Prudence, L’Iroquoise. Début De La Saison I (1/3)

Bonjour, le mot ou le nom Prudence peut avoir deux acceptions.
La première, faire attention, sortir avec prudence, mais dans ce cas la majuscule est inutile.
Prudence avec une majuscule, c’est mon nom et dans l’histoire que je vais vous compter, certains pourraient dire que j’en ai manqué.
Commençons par me présenter autrement que par mon nom.
J’ai 16 ans, je suis en première et je suis au lycée public Turgot dans le 3e arrondissement.
Papa est directeur d’une banque dont je tairai le nom dans ce même secteur.
Je térai aussi le nom de la rue où j’habite à deux pas du travail de papa.
Mon grand plaisir malgré la stricte éducation que me donnent mes parents, c’est de venir dès que le soleil est là, travailler sur la place devant le centre Beaubourg et en profiter pour regarder les spectacles de rue dont je raffole.
À même le sol où sur les marches je m’assieds et je rêve grâce à ces saltimbanques libres d’aller où ils veulent comparer à ma famille où à aucun moment, il leur est loisir de déroger à leurs bonnes manières.
J’en ai un peu mare de mon père s’échappant dès qu’il le peut pour aller frayer avec des jeunes pétasses et surtout de maman faisant semblant de voir qu’elle porte des cornes commençant à avoir du mal à passer dans les portes.

• Oui, toutou, tu es beau.
Et, bien tu me lèches, tu sais, j’ai fait ma toilette ce matin.
• Excusez Brutus, c’est la première fois qu’il est affectueux avec quelqu’un.
Par sécurité, je vais lui mettre sa muselière.
• Laissez-le, j’adore les chiens et dans ma famille, ils sont mal venus, maman dit qu’ils ont des puces et des tics qui donnent des maladies aux humains.
• Eh bien, merde, je croirais retrouvée la famille que j’ai quittée il y a déjà bon nombre d’années.
• Que faites-vous dans votre vie ?
• Certains diront que je suis routard.
Je me déplace de ville en ville surtout au moment des festivals.


Avignons, Chalon dans la rue, les Franco de La Rochelle.

Brutus s’est couché à mes pieds et a posé sa grosse tête très expressive sur ma jambe bavant sur ma robe d’été.
Nous sommes au mois de mai et comme le proverbe le dit, en avril inutile de te découvrir en mai fait ce qu’il te plait.

• Je joue de la guitare et je fais assez de fric pour nous acheter le nécessaire pour vivre au gré du vent et des saisons.
• Vous pouvez jouer pour moi, j’aimerais vous entendre.

Le garçon, cheveu long blond foncé, barbe bien taillée, prend sa guitare placée sur son dos, s’assied à mon côté et après l’avoir accordé, commence à jouer.
Est-ce l’habitude, mais il détache son foulard qu’il pose au sol et commence à jouer les mesures d’une chanson qui me dit quelque chose.
Mince, c’est « Mistral gagnant » de Renaud.
Je fais partie de la chorale du lycée Turgot et l’année dernière nous avons chanté des chansons de Renaud, Hugues Aufrey « Santiano » Pierre Perret « Lili » et Michel Delpech « Chez Lorette ».
Renaud, je me mets à chanter.
Je suis tellement contente de faire partie des arts de la rue, que l’attroupement qui se forme autour de nous se produit sans que j’en prenne conscience.
Mistral gagnant.

• Continue, tu as une jolie voix, je vais te suivre.

J’enchaine avec Lili et dès que j’arrive à la fin de la chanson, le public est plus nombreux.
Chez Lorette, tous applaudissent et, ce qui est formidable c’est que le foulard se remplit de quelques pièces, même un billet de 5 € et aussi des cigarettes.
Sans le savoir, je viens de donner mon premier concert de rue.
Celui que j’appèlerai le garçon repose sa guitare et récupère l’argent, le billet, les cigarettes et renoue son foulard.

• On m’aurait dit que Brutus ferait ami avec une jolie fille et que je ferais un max d’argent cette après-midi, j’aurais traité cette personne de folle.
Comment t’appelles-tu ?
• Prudence et toi ?
• Fred, c’est Frédéric, mais dans le monde de la rue, je suis connu sous le nom de Fred.

J’ai un autre surnom, mais la bien séance m’empêche de te le dire, toi qui sembles être une gentille petite bourge.

Il est vrai que depuis le moment où j’ai pris conscience que mes parents vivent, certes, dans le confort, mais dans le déni de tout.
Je me suis rendu compte que l’éducation qu’il me donne me conduit irrémédiablement à devenir une bourgeoise comme eux.
Avant 25 ans, on me fera rencontrer Benoit, je donne son nom, car j’ai déjà un Benoit qui tourne autour de moi avec sa famille.
Il faut dire que ce garçon de 20 ans maigrelet et boutonneux est à la Sorbonne et fait des études de droit pour être notaire comme papa et reprendre l’étude familiale sur les quais de seine, sur la rive gauche.
Dimanche dernier, nous avons été invités pour déjeuner.
Sa famille habite au-dessus de l’étude du père.
Les fenêtres, pour moi, ont eu un seul intérêt, la vue sur Notre-Dame de Paris où je constate que l’échafaudage calciné, vu à la télé, a été remplacé par un autre en parfait état.
Voir cette vieille dame reprendre vie m’a mis en joie.
Avec ses bonnes manières, très peu pour moi s’il espère se faire ôter ses boutons par moi.

• Je vois que tu as un ordi portable, tu es à l’école dans le coin !
• Oui, en première au lycée Turgot, tout près d’ici, je prépare mon bac de Français.

Brutus se relève, son souffle sur mon entre jambes me fait comprendre, que sans m’en rendre compte, le centre de ma féminité s’éveillait.
Un autre routard avec un autre chien passe près de nous.

• Eh, Rocco, c’est toi qui as réussi un tel attroupement tout à l’heure, attention tu vas finir à « N’oubliez pas les paroles » à gratter ta guitare comme Christian.

Rocco, ce garçon halé devient rouge de confusion et se lève.

• À bientôt Prudence.
Allez vient, Brutus.

Brutus, il semble m’avoir adopté et se fait tirer sur son collier étrangleur pour accepter de suivre son maître.

Je les vois s’éloigner avec un peu de regret, c’est la première fois qu’un garçon, fusse avec l’aide de son chien me marque de l’attention.
En chantant avec lui, j’ai eu l’impression d’être quelqu’un et non un poulet de grain que l’on élève pour le brader au garçon d’une famille à haut revenu comme la nôtre.
La nuit suivante ayant retrouvé ma vie que je dirais de merde, même si c’est vilain dans la bouche d’une jeune fille, mon doigt caresse mon clito et me fait jouir comme jamais pour la première fois.
Une interrogation tout de même, Rocco, le surnom qui a-t-il de bizarre dans ce nom italien.
Que la bien séance vient faire là.
Dommage, j’aurais dû insister pour qu’il me dise, hélas, cette rencontre était fortuite et sans lendemain.

Au matin, je me prépare pour aller au lycée, je change de tenue, je le fais tous les jours, notre bonne entretient toutes nos affaires ainsi que mon lit et le ménage dans ma chambre.
De toute manière, Brutus l’a ravagée avec sa bave, c’est le problème avec les bouledogues.
Il fait beau, je regarde dehors, où sont-ils, sont-ils sur le forum de Beaubourg à jouer de la musique.
Je traîne ma misère, mes copines remarquent ma nostalgie moi qui suis toujours joviale en temps normale.

Dernier cours, c’est l’heure, je sors, il me saute dessus.
Brutus, que Rocco a lâché, tellement il a tiré fortement sur sa laisse.
Je suis le point de mire d’un grand nombre d’élèves dont des copines.
Je serais à leur place, avec une de mes amies, j’en ferais de même, Fred, cheveux en bataille, pantalon douteux à la mode, tellement il a des trous à de nombreux endroits.
C’est la première fois que quelqu’un m’attend à la sortie de mon lycée, Rocco tranche avec les gens qui viennent chercher les élèves au lycée Turgot.

• Viens, on va chanter ensemble sur la place.

Je le suis, si je peux l’aider à faire quelques sous, j’en serais bien satisfaite, moi qui ai à ma disposition tout ce qu’il faut sans jamais avoir à me fatiguer.

On s’installe, il sort sa guitare de son étui de toile et je m’apprête à chanter, je vois le ciel s’obscurcir et le tonnerre grondé.

• Allons à l’abri, je crois que ça va dégringoler.

Sans ranger sa guitare, il m’aide à me relever et nous détalons sans demander notre reste.
Brutus semble savoir où il va, car il y ouvre la marche.
Fred ou Rocco, il me faudra choisir, si je le vois encore quelques fois, mais tant que le pourquoi de Rocco m’est inconnu, je dirai Fred.
Il s’arrête devant une lourde porte métallique dans une rue adjacente à la place, ça commence à pleuvoir à grosses gouttes.
J’entre dans ce qui a dû être un garage ou une usine désaffectée.
J’ai entendu parler de squat, je viens d’entrer dans l’un d’entre eux.
Plusieurs personnes vivent là, chacune ou des couples femmes - hommes, femmes –femmes ont tendu de vieux draps pour être dans leur intimité.
Brutus est parti dans un coin de cet immense hall.
Je le suis quand il passe derrière l’un d’eux.
Un matelas, un petit réchaud pour faire cuire et une serviette de toilette avec quelques affaires de nettoyage.
Je devrais me sauver en courant, mais si je sors, je serais trempée en quelques secondes.

• Assied toi, je vais te faire du café.

Je suis à deux doigts de lui demander un thé, mais je prends conscience du vécu de routard, je prends place sur le matelas crade.
Il allume le réchaud et fait cuire de l’eau.
Il cherche dans son sac et en sort le nécessaire pour se rouler une cigarette.
Quand il allume le tabac dans une feuille de papier, il me la tend.

• Fume, c’est de la beuh, c’est de la bonne.

Je suis ignare, Rocco, de la beuh, si je lui demande, je vais passer pour une attardée, alors je la prends et je tire ce qu’une copine un jour a appelé une taffe.
Je tousse, mais j’aime bien, nous la fumons à tour de rôle jusqu’à la fin.
La tête me tourne, je plane.
Brutus vient mettre sa tête sur mes genoux.
Fred me prend dans ses bras et pour la première fois de ma vie, un garçon m’embrasse...

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